Chaire Jean-Louis Baudouin en droit civil

Jean-Louis Baudouin, au centre, a reçu la médaille de la Faculté de droit. Il est entouré de Benoît Moore, à gauche sur la photo, et du doyen Gilles Trudeau. (Photo: Association du Barreau canadien, Division Québec)

Jean-Louis Baudouin, au centre, a reçu la médaille de la Faculté de droit. Il est entouré de Benoît Moore, à gauche sur la photo, et du doyen Gilles Trudeau. (Photo: Association du Barreau canadien, Division Québec)

Échelonnée sur plus de 30 ans, la recodification du droit civil québécois, qui a accouché de 3168 articles entrés en vigueur le 1er janvier 1994, est une réussite remarquable. Non seulement ici, mais aussi à l’étranger.

C’est le constat dressé par la ministre de la Justice du Québec, Kathleen Weil, au colloque «Le Code civil 15 ans après: constats, perspectives et influences», tenu à Montréal le 3 avril dernier: «La recodification de notre droit civil est une réussite; elle marque d’une pierre blanche l’histoire du droit québécois. C’est une réussite qui, au-delà du Québec, s’inscrit très haut au palmarès des juridictions de tradition civiliste», a-t-elle affirmé devant quelque 250 juristes issus des milieux universitaire, judiciaire, gouvernemental et de la pratique privée.

«Le Code civil est l’une des réalisations québécoises majeures de ces dernières années et nous pouvons en être fiers», a renchéri le professeur Benoît Moore, titulaire de la Chaire Jean-Louis Baudouin en droit civil de l’Université de Montréal, qui a organisé cette journée de réflexion en collaboration avec la Revue du Barreau canadien et l’Association du Barreau canadien, Division Québec. «Traduit en espagnol, en russe et en chinois, le Code civil du Québec est l’un des codes les plus utilisés comme source d’inspiration. Il incarne le visage moderne de la tradition civiliste d’inspiration française et fait preuve de pragmatisme.»

Au cours de cette journée qui réunissait près de 25 conférenciers et les principaux artisans de la réforme de 1994, des juristes venus de la Catalogne, de la Roumanie et de la Russie ont témoigné de l’influence du code québécois dans la modernisation de leur droit. «À l’étranger, a relevé le professeur Moore, le Code civil du Québec, qui a aussi servi de modèle à un avant-projet sur le droit des contrats pour un regroupement de pays africains (www.OHADA.com), sert d’exemple de réussite législative et les gens d’ici sont souvent surpris de la portée qu’il peut avoir.»

Un avenir bien assuré? Oui, mais…

Ancien juge à la Cour d’appel du Québec, Jean-Louis Baudouin, un des acteurs de la réforme qui a été honoré à cette journée, estime lui aussi que, vu «le modernisme et la qualité de l’œuvre», l’avenir du Code civil du Québec est bien assuré. «La jurisprudence de ces dernières années révèle un nombre relativement restreint de difficultés d’interprétation. Notre adolescent de 15 ans est donc vigoureux et en bonne santé.» Par contre, il pourrait en être différemment à plus long terme, a prévenu cet ancien professeur de la Faculté de droit de l’UdeM: «Un code est une œuvre vivante qui doit s’adapter de façon constante et permanente à la réalité culturelle, juridique, sociologique et économique du milieu dont il est issu.»

Une réforme inachevée

À cet égard, le colloque a proposé une revue des réformes majeures depuis l’adoption du Code. Un exemple: la réforme de 2002 sur la filiation, qui selon la professeure de l’Université Laval Édith Deleury, a accordé une importance prédominante à l’intention d’être parent. «On s’interroge encore sur la place accordée à la réalité biologique, sociale et affective de la filiation», a noté le professeur Moore, ajoutant que bien d’autres points restaient à débattre, comme celui de la convention des mères porteuses dans le domaine de la procréation assistée.

Dans certains cas, on souhaite une réforme qui n’a carrément pas eu lieu, notamment quand il est question de la «difficile cohabitation entre le Code civil et la Loi sur la protection du consommateur» dont a fait état le professeur de l’Université de Montréal Pierre-Claude Lafond. Ce dernier considère que les deux pièces législatives évoluent en vase clos au détriment du consommateur.

Le Code doit donc s’adapter et s’adapter vite. «Un trop grand statisme risque de mettre son avenir en péril», a déclaré Me Baudouin tout en soulignant l’urgence d’éviter les erreurs du passé si l’on ne veut pas voir le Code devenir victime «d’une lente obsolescence», comme cela s’est produit pour son ancêtre le Code civil du Bas-Canada.

Donner vie à l’Institut de réforme du droit

Afin que le Code puisse être continuellement révisé, les juristes artisans de la réforme, auxquels s’est joint le professeur Moore, ont unanimement souhaité que ce 15e anniversaire devienne l’occasion de donner vie à l’Institut de réforme du droit, organisme pourtant créé par le législateur québécois en 1992. Un institut nécessaire, car, a conclu Jean-Louis Baudouin, «on doit se méfier de modifications législatives draconiennes incompatibles avec l’architecture générale du Code, comme ce fut le cas en 1996 à propos de l’abolition de l’obligation alimentaire des grands-parents à l’endroit de leurs petits-enfants.»

Dans l’intervalle, le professeur Moore, avec l’aval du doyen de la Faculté de droit de l’Université, Gilles Trudeau, travaillera à la réalisation d’un projet d’observatoire du Code civil du Québec qui verrait à «garantir la pérennité sereine du Code et à accroitre son rayonnement international déjà important». Un dossier à suivre.

Ce contenu a été mis à jour le 15 juillet 2015 à 22 h 17 min.